Après les vives critiques à l’ONU, plusieurs hommes d’Eglise et dirigeants politiques (notamment dans les rangs de la majorité) ont ajouté leur voix aux critiques contre la violence de la politique dite «sécuritaire» du gouvernement, particulièrement à l’égard des Roms. Un prêtre lillois a ainsi décidé de renoncer symboliquement à sa médaille de l’Ordre national du mérite. Benoit XVI a adressé un message à peine voilé aux autorités françaises. Quant à Yannick Noah, le Français préféré des Français, il estime qu’il est toujours plus simple de «taper sur les plus démunis», sur des gens «qui ont déjà tellement peu» et qui «sont déjà en détresse». Yannick Noah a appelé le gouvernement à être «plus sensible à tous ces banquiers qui se sont fait des milliards en pleine période de crise». «On ne doit pas être du même monde avec ces gens du gouvernement, qui sont assez fiers, en plus», a-t-il poursuivi, ajoutant toujours à propos des Roms, «Moi, humainement, j’aurais plus tendance à leur tendre la main plutôt qu’à leur donner un coup de pied au cul». Le 4 septembre, dans toute la France (à Limoges, à 14h Place de la République), à l’appel de nombreuses organisations, des manifestations sont prévues sur le thème : « Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité fraternité ».
« Depuis trois mois, c’est une guerre que cette communauté subit ». Arthur Hervet, prêtre lillois, a renvoyé sa médaille du Mérite. « J’ai réfléchi très longuement pour savoir si je pouvais accepter ce grade de Chevalier de l’Ordre national du Mérite » a-t-il expliqué à ses fidèles. « Aujourd’hui, M. le ministre (de l’Intérieur), je déclare forfait. Je n’ai plus de force, si ce n’est de pleurer », a ajouté ce prêtre de 71 ans, allant même jusqu’à « prier » pour que Nicolas Sarkozy ait une « crise cardiaque » , avant de regretter ses propos.
Plusieurs autres hommes d’Eglise ont eux aussi fait entendre leur désaccord. « Les discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu’il y a des populations inférieures sont inacceptables » a dénoncé dans un communiqué l’archevêque d’Aix et d’Arles (et ancien évêque de Limoges), Mgr Christophe Dufour, en demandant « le respect des personnes et de leur dignité, dans le cadre de la loi française ».
Le malaise semble même croître entre le chef de l’Etat et l’électorat catholique. Plusieurs observateurs font état d’une « fêlure » provoquée à la fois par les affaires politico-judiciaires (affaire Woeth-Bettancourt) et les discours xénophobes.
Ils étaient 61% en août 2009. Aujourd’hui, seuls 47% des catholiques pratiquants se disent satisfaits de l’action du président de la République. Cette enquête de l’IFOP est symptomatique du « malaise » entre Sarkozy et les catholiques – selon le terme de l’hebdomadaire catholique La Vie. Le directeur de la rédaction Jean-Pierre Denis écrit dans son éditorial que « le fossé se creuse » entre le chef de l’Etat et « une base catholique qui n’apprécie ni les affaires d’argent, ni les effets de manche xénophobes ».
Le député UMP Etienne Pinte, l’un des porte-voix de l’électorat catholique dans la majorité, va dans le même sens : « Pour tout chrétien, il y a des limites au-delà desquelles cette espèce de chasse à l’homme que nous vivons est insupportable ». Christine Boutin, figure de l’électorat catholique de droite, fait elle état d’une « fêlure » entre sa formation, le Parti chrétien-démocrate, et l’UMP, qu’un « certain nombre d’adhérents » souhaiteraient quitter.
Un désamour d’autant plus frappant que les catholiques pratiquants – qui représentent 15% de l’électorat – avaient voté majoritairement pour Nicolas Sarkozy en 2007 et s’étaient montré satisfaits de son début de mandat, marqué notamment par le discours de Latran qui réaffirmait « les racines chrétiennes » de la France.
Vives critiques à l’ONU
La France avait été clouée au pilori mercredi et jeudi dernier par les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD). Les déclarations du Président Sarkozy constituent, selon un expert, « une incitation à la haine ». La France est confrontée à une « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie », a affirmé l’expert togolais Kokou Ewomsan.
Concernant les gens du voyage, dont le nombre est estimé à quelque 400.000 personnes à 95 % françaises, certains ont dénoncé le système d’attribution de visas de circulation tous les trois mois. « Le carnet de circulation nous rappelle l’époque de Pétain », a affirmé Waliakoye Saidou (Niger). La question du renvoi des Roms de Roumanie, dont plus de 40 camps ont été démantelés en 15 jours, a été évoquée à plusieurs reprises. « Comment comprendre que les Roms (…) puissent être extradés comme s’ils n’appartenaient pas à l’Union européenne ? » s’est interrogé l’expert algérien Nourredine Amir. Sur la déchéance de la nationalité, le Turc Gun Kut a déclaré : « Je ne comprends pas ce que c’est qu’un Français d’origine étrangère. Je me demande si cela est compatible avec la Constitution. » Le CERD doit conclure sa session le 27 août par une série de recommandations à la France.