Un calme sans doute précaire ce matin est revenu dans les rues du Caire, au terme d’une journée de manifestations sans précédent contre le président égyptien, Hosni Moubarak, au pouvoir depuis la fin 1981. Précaire car le Mouvement du 6-Avril, à l’initiative des manifestations de mardi, qui ont fait trois morts, a appelé à un deuxième jour de mobilisation alors que le ministère égyptien de l’intérieur a indiqué qu’il ne permettrait aucune nouvelle manifestation.
Sur sa page Facebook, le groupe de militants pro-démocratie appelle les Egyptiens à se rassembler sur la grande place Tahrir, au Caire, où 15 000 personnes, selon des chiffres officiels, avaient déjà manifesté la veille en scandant « le peuple veut le départ du régime ». « Tout le monde doit se rendre sur la place Tahrir pour s’en emparer de nouveau », écrit le groupe sur sa page.
« Continuant ce que nous avons commencé le 25 janvier, nous allons descendre dans la rue pour demander le droit de vivre, la liberté et la dignité », affirme dans un communiqué le Mouvement du 6-Avril, qui appelle à poursuivre la mobilisation « jusqu’à ce que les demandes du peuple égyptien soient satisfaites ».
Dans la nuit de mardi à mercredi, les forces de l’ordre ont fait usage de nombreux tirs de gaz lacrymogènes pour disperser les milliers de manifestants encore présents sur la place, située dans le centre de la capitale et proche de nombreux bâtiments officiels. Outre Le Caire, des défilés ont été organisés dans différentes villes de province, notamment à Alexandrie et Suez, malgré un dispositif policier massif.
Ces manifestations antigouvernementales étaient les plus importantes depuis les émeutes de 1977 provoquées par une hausse du prix du pain. Partout dans le pays, les manifestants ont fait référence à la révolte populaire qui a fait tomber mi-janvier le président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, après vingt-trois ans de règne. « Pain, liberté, dignité », scandaient certains, reprenant les slogans des manifestants tunisiens. « Moubarak dégage ! » criaient d’autres.
Découvrant subitement la prudence… la ministre des affaires étrangères française, Michèle Alliot-Marie, a déclaré « déplorer qu’il y ait des morts, deux parmi les manifestants, un parmi les policiers ». « On doit pouvoir manifester sans pour autant qu’il y ait des violences et encore moins des morts », a-t-elle ajouté. « Il ne s’agit pas pour la France de faire de l’ingérence » mais « nos principes sont des principes de respect de l’Etat de droit, de non-ingérence mais aussi d’appel à ce qu’il y ait toujours plus de démocratie et de liberté dans tous les Etats », a poursuivi la ministre, qui était en Egypte samedi.